LA DÉMOCRATIE LOCALE NE VA PAS BIEN
C’est le constat que fait Nouvelle Démocratie Locale
La démocratie c’est l’égalité des citoyens, l’absence de privilèges pour les détenteurs du pouvoir, le souci permanent de transparence et la poursuite du bien commun. C’est aussi la capacité à piloter les collectivités dans des perspectives de moyen terme et de long terme.
L’observation lucide et objective du fonctionnement quotidien des collectivités territoriales depuis des décennies montre combien celui-ci est souvent très éloigné de ces exigences démocratiques. La décentralisation a même, paradoxalement, facilité cette situation.
I. LE POINT DE DÉPART : LES LOIS DE DÉCENTRALISATION ET LEUR POSTÉRITÉ
La montée en puissance des collectivités territoriales, depuis les lois de décentralisation (du 2 mars 1982, des 7 février et 22 juillet 1983 ; contrôle a posteriori…) jusqu’à l’acte II de la décentralisation (lois des 28 mars 2003, de 2004 et de 2005), a entraîné une évolution et un changement considérables dans la gestion, l’administration et la direction des institutions locales.
Les promoteurs des lois de décentralisation leur attribuaient une vertu principale, celle de permettre l’adaptation des politiques publiques locales au plus près des réalités et donc des besoins de la population.
Au cours des différentes étapes de la décentralisation et par la force des choses, le pouvoir des exécutifs locaux (présidents des régions, des départements, d’intercommunalités, maires…) s’est considérablement élargi et renforcé.
Avec Gaston Defferre, le législateur avait pris le soin de mettre en place les chambres régionales des comptes pour contrôler ces nouveaux pouvoirs… Les abus et errements des premières années (souvent hérités de pratiques du passé) furent progressivement corrigés, pour arriver à une situation globalement satisfaisante, et le plus souvent stabilisée grâce, en particulier, à la qualité des agents publics locaux recrutés à cet effet.
Cependant, au fil du temps, la donne primitive a considérablement évolué à d’autres égards.
En pratique, la proximité n’a pas toujours tenu ses promesses.
Elle a pu engendrer des choix éloignés du bien commun, sous la pression de groupes d’intérêts et de communautés ; elle n’a pas empêché des déséquilibres entre les territoires ; elle a souvent ignoré les inégalités de ressources qui font peser sur les citoyens, de manière inéquitable, la charge des dépenses nécessaires aux grands investissements (notamment structurels) et aux budgets de fonctionnement.
II. UNE SITUATION INSATISFAISANTE
Le constat qui suit ne vise aucunement une région en particulier ou des collectivités locales déterminées, pas plus qu’il ne vise bien évidemment les hommes et les femmes à la tête des institutions.
Il s’agit d’un état de fait lié, en particulier, à l’organisation du pouvoir au sein des diverses collectivités territoriales et, par suite, au mode de gouvernance qui en découle (A). Cependant, cette cause, qui est la plus voyante, n’est pas la seule et il en existe bien d’autres (B). Il faut impérativement sortir de cette situation car il y a urgence (C).
A) Une gouvernance politique locale à rénover
Parmi les nombreux éléments qui contribuent à cette dérive, trois apparaissent comme les plus importants et il est nécessaire de bien les comprendre pour essayer de s’en prémunir à l’avenir.
* En premier lieu, aucun équilibre n’existe en réalité entre les exécutifs locaux et les assemblées délibérantes. Les détenteurs du pouvoir exécutif local disposent d’importantes prérogatives : ils sont des « patrons » en leur qualité de « chefs » de la majorité élue notamment grâce au rôle qu’ils jouent au sein des partis traditionnels pour la désignation des candidats aux différents scrutins; ils préparent le budget, le proposent au vote de leur assemblée et l’exécutent presque librement; ils nomment et révoquent aux emplois de la collectivité qu’ils dirigent, en utilisant notamment, souvent de manière excessive, les dispositions de la loi.
On comprend que, dans ces conditions, les assemblées locales éprouvent des difficultés à contrôler pleinement leurs exécutifs.
Par ailleurs, concernant les dépenses engagées, les personnels recrutés, les engagements pris ou, de façon plus générale encore, l’organisation même des différents services publics de la collectivité, les élus ne disposent pas des moyens suffisants pour bien les connaître et les maîtriser.
* En deuxième lieu, s’appuyant sur une fausse conception du suffrage universel, certains élus croient pouvoir exercer à peu près librement des fonctions qui ne devraient être assumées que pour le bien de ceux qui les leur ont confiées.
Il en va en particulier ainsi parce que l’ensemble des pouvoirs (de réflexion, d’initiative, de proposition, de dé- cision, etc.) théoriquement accordés aux élus locaux est concentré autour de quelques collaborateurs et, dans le meilleur des cas, de quelques élus.
Ainsi est favorisé un exercice solitaire des mandats locaux, coupé des forces vives.
L’opposition a souvent du mal à accéder à l’information qui permettrait un débat transparent et le contrôle réel des décisions comme de la gestion.
L’opinion publique n’est d’ailleurs pas dupe de cette réalité ; elle s’en sert pour brocarder les responsables ou, pire, pour obtenir, grâce à cela, certains avantages.
Le peu de considération pour la chose publique, sauf lorsqu’elle tourne au spectacle médiatisé, favorise la montée des extrêmes mortifères pour la démocratie, le sens du devoir civique et le maintien d’un idéal fondé sur la fraternité.
*En troisième lieu, l’une des principales conséquences de cet état de fait est la grande difficulté rencontrée par les élus pour concevoir et inscrire de véritables projets d’intérêt général dans la durée. Le tempo de l’action publique qui devrait être rythmé par des projets, des programmes, des réalisations, est pollué et perturbé par le calendrier médiatique, la réponse aux faits-divers, l’instantané et l’éphémère.
Ceci est le résultat également d’une évolution considérable du statut des gestions publiques. D’une part, pèsent sur elles des contraintes qui sont à la fois diverses (internes, européennes et internationales), de plus en plus nombreuses (urbanisme, développement durable, démographie…) et de plus en plus contraignantes (phénomène de la « judiciarisation » des rapports sociaux). D’autre part, les lignes de force qui commandent (ou devraient commander) les décisions publiques (facteurs humains, techniques, financiers, juridiques, etc.) sont, parce que très instables et en perpétuelle évolution, peu aisées à percevoir, à mesurer et, par conséquent, à satisfaire.
C’est une évidence qu’aujourd’hui, parce que le monde est devenu très complexe, il est plus difficile qu’autrefois de gouverner, c’est-à-dire de voir les choses, de les hiérarchiser et de décider en conséquence des voies et des moyens à mettre en œuvre.
Le but même de l’action publique est sans cesse à remodeler, à reformuler et, partant, les instruments qui doivent en permettre la réalisation sont eux-mêmes bousculés en permanence.
Or, et chacun en conviendra, les collectivités territoriales, pour être efficaces, doivent être administrées, dirigées, pilotées. Cela nécessite une permanence, une stabilité, une continuité, une cohérence, pour que le pouvoir majoritairement issu du suffrage universel s’exerce pleinement, et puisse mener à bien les politiques publiques et les projets d’intérêt général, conformes à ses orientations.
Ainsi, toute action politique, même locale, connaît désormais le défi d’enjeux considérables : protection de l’environnement et souci du développement durable, urbanisme à révolutionner, politiques urbaines à repenser, rapport de l’homme à la notion de déplacement, construction européenne, mondialisation, développement des réseaux, etc. Ceux-ci obligent à privilégier un horizon qui excède de beaucoup la durée d’un mandat local.
B) Les obstacles à une bonne gouvernance globale
En réalité, il est clair qu’il n’est plus possible de penser la gestion de nos collectivités territoriales en termes de « politique locale » ou de « gouvernement local ». Comme toutes les entités humaines, qu’elles soient publiques ou privées, ces collectivités sont désormais emportées dans le vaste courant de la globalisation. Même en se limitant à un territoire, une population et des enjeux purement locaux, il n’est plus possible de faire fi de notre environnement tant sont prégnants et essentiels tous les autres facteurs à prendre en considération.
C’est là tout l’enjeu de concevoir une « bonne » gouvernance locale, c’est-à-dire ancrée dans la globalité afin que soient pris en considération le plus grand nombre de facteurs possibles, à la fois pour limiter le risque d’erreurs et pour permettre une utilisation optimale des deniers publics.
Les conséquences de cette situation ont la triple particularité d’être récurrentes dans le débat politique, d’être graves en soi et par leurs effets et, enfin, de revêtir une grande urgence. Il convient que soient mises en œuvre des politiques publiques adaptées aux besoins et très efficientes. Pour cela doivent être résolues plusieurs questions qui appellent souvent, elles aussi, des réponses urgentes, et qui sont en tout cas toujours de grande importance.
Leur nombre et leur diversité nous conduisent, pour l’instant, à seulement les énumérer en les regroupant autour de quatre thèmes.
* En premier lieu, se rencontrent les questions d’ordre financier.
Tout d’abord, se constate depuis longtemps l’existence d’un inégal potentiel fiscal par habitant selon les collectivités ; ce potentiel, en certains endroits, revêt un caractère quasi caricatural. Pourtant, il s’agit d’un instrument juridique de grande portée ayant des incidences multiples.
Ensuite, doit être ouvert dans toute son ampleur le redoutable dossier de la dette locale. Alors que de nombreux débats, très animés, ont lieu autour des dettes dites « souveraines », c’est au contraire une ignorance à peu près complète qui caractérise le sujet de la dette locale. Cependant, la dette dont a hérité,
à ce jour, un nombre important de collectivités territoriales, surtout communales, est très élevée. Au reste, par un dévoiement des intentions premières du législateur, dans bien des cas l’intercommunalité est souvent adoptée, par un processus de fuite en avant, pour « diluer » ou masquer le déficit de telle ou telle collectivité, en le reportant sur un ensemble territorial et démographique plus vaste.
Egalement, et par un étrange paradoxe, surtout par rapport à ce qui vient d’être dit ci-dessus, la péréquation entre les collectivités territoriales demeure taboue. Si elle fournit l’occasion de maints discours ou de promesses sans cesse renouvelées, en pratique il ne se passe pas grand chose.
La mutualisation des moyens et des charges est encore un vœu pieux en matière de collectivités locales. A l’heure où la gravité de la situation économique et financière de la France conduit à proposer des efforts substantiels en termes de solidarité entre les individus, force est de constater une absence à peu près complète de solidarité entre les personnes publiques locales. C’est là une sérieuse atteinte au caractère démocratique d’une société qui inscrit le mot « fraternité » au fronton de ses édifices officiels.
* En deuxième lieu, doit être pointée une série de dysfonctionnements de natures diverses.
En particulier, il convient de rappeler la disparité des situations démographiques locales, spécialement celle concernant les flux démographiques que doivent gérer certaines collectivités territoriales, surtout les plus grosses (ainsi du classique exemple de Marseille et de sa large partie de la population qui est paupérisée). Cette disparité n’est pas prise en compte dans l’attribution des moyens, les taux d’encadrement et autres.
Elle fausse totalement les comparaisons possibles et aboutit, en définitive, à une dénaturation de la forme et du but des politiques locales.
Dans le même ordre d’idées même s’il s’agit d’un domaine très différent du précédent, se remarque le caractère complexe et incertain des dotations ainsi que les fluctuations affectant les aides de l’Etat.
Ceci se relie d’ailleurs à une mutation très importante : l’irruption de plus en plus fréquente du secteur bancaire, y compris par le truchement de banques étrangères, dans le financement des collectivités avec ce que cela comporte comme conséquences dans les méthodes, les critères, les conditions et les effets.
Le contrôle préfectoral sur les actes locaux (dit « contrôle de légalité ») a, progressivement, été réduit à une peau de chagrin tout comme a été, graduellement, dépecée la compétence de contrôle des juridictions financières. Ce qui a pour effet de déséquilibrer la pyramide, contrairement à ce que voulaient les promoteurs de la réforme de 1982. Alors qu’un accroissement considérable des pouvoirs devait être accompagné d’une amélioration substantielle des contrôles a posteriori, il s’avère que le second volet a été sans cesse grignoté pour ne laisser subsister que la puissance des organes locaux de décision.
* En troisième lieu, on ne saurait omettre le besoin d’opérer deux réformes, toujours remises en chantier et, au final, jamais réalisées.
La première concerne le statut des personnels employés dans les collectivités, celui-ci oscillant entre un décalque du statut général de la fonction publique, le souci d’égalitarisme (plus que d’égalité), la volonté de laisser aux collectivités une marge de liberté que ’Etat ne s’est jamais reconnue à lui-même vis-à-vis de ses propres fonctionnaires. La fonction publique locale ne pourra pas rester à l’écart des mutations consi- dérables que connaît aujourd’hui la fonction publique d’Etat.
La seconde est relative à la réforme territoriale, jugée nécessaire par tous et que personne, au vrai, ne veut prendre en charge pour la mener jusqu’à son terme.
Alors que la monarchie, l’empire ou la république avaient, chacun à sa manière et en fonction de ses objectifs, construit une architecture générale du territoire français qui avait sa cohérence et qui a, longtemps, montré son efficacité, aujourd’hui la donne a fortement changé.
Qu’il s’agisse des niveaux d’administration territoriale, de l’exclusivisme des compétences par catégorie de collectivités, du nombre des collectivités, des modes respectifs de désignation de leurs organes exécutif et délibérant, ainsi que de la durée des mandats, de l’emboîtement des échelons territoriaux, du nombre d’élus locaux, tout doit être mis sur la table à la lumière, respectivement, d’un bilan honnête et complet de la situation actuelle, des objectifs à atteindre, de la construction européenne, de l’état des finances publiques, etc.
* En quatrième lieu, parce que la démocratie est « le pouvoir du peuple », il est nécessaire, absolument nécessaire, que tous les citoyens, et pas seulement quelques « spécialistes » ou qui s’affirment tels, soient concernés par la vie de leurs collectivités, soient associés à la prise de décisions. Au contraire, depuis un grand nombre d’années on assiste à une désaffection accrue des citoyens pour les élections locales et pour la gestion quotidienne de leur lieu de vie.
Même si l’exercice effectif de la démocratie locale n’est pas aisé, même si des obstacles importants peuvent surgir, même si les individus ne sont pas toujours bons juges de l’intérêt général surtout lorsque celui-ci doit se mesurer sur une durée longue ou jouer contre leurs intérêts individuels, rien ne peut justifier la mise à l’écart des citoyens.
Notre société porte ici une double responsabilité. D’abord, pour n’avoir pas fait l’effort pédagogique permettant de préparer les citoyens à l’exercice de réflexion personnelle sur ce qui est bon pour le groupe auquel ils appartiennent. Ensuite, pour avoir infantilisé le regard de nos concitoyens sur la chose publique par des promesses vaines ou inconsidérées, ou en laissant se développer un certain clientélisme politique.
Il s’agit de replacer le citoyen au centre de l’ensemble du dispositif de décentralisation.
Il est essentiel de rappeler que les élus locaux, les organes locaux du pouvoir administratif, les agents des collectivités ne sont pas concernés au premier chef par l’opération de décentralisation ; c’est le citoyen qui d’abord doit être pris en considération car c’est principalement pour lui qu’elle est réalisée. La finalité d’une décentralisation devrait être d’abord et très simplement, la recherche du meilleur service qu’elle rendra aux habitants des collectivités locales.
En conclusion, il doit être constaté que, pour l’instant du moins, n’ont pas été prises les décisions ou adoptées les méthodes qui permettraient un redressement vigoureux. C’est ce que montrent en particulier :
• l’observation du régime des compétences, de leur mode d’exercice comme de leur distribution entre les
organes,
• l’examen de la pratique concrète des contrôles de tous ordres sur les actes administratifs locaux,
• le constat de l’absence de transparence et de droit de regard du citoyen local sur «ses» administrations,
• la dépossession à peu près complète des citoyens à l’égard de la «chose publique» locale, etc.
En définitive, si l’on voit bien les avantages que les élus et les agents des collectivités retirent de la décentrali- sation à divers égards, vainement, en revanche, chercherait-on ce que le citoyen a, lui, gagné à cette évolution.
La légitimité de l’action locale est ainsi assez faible n’étant d’ailleurs souvent – dans l’opinion commune – qu’une manière d’être de l’administration centrale de l’Etat.
Le bilan est aisé à dresser : il convient de mettre un terme à une situation qui n’a que trop duré et qui est à la fois injuste, coûteuse et malsaine. Il en va d’autant plus ainsi qu’au besoin fort de changement s’ajoute l’évidence de l’urgence à le réaliser.
C) Le temps des urgences
Le constat qui précède, le montre par lui-même : il est plus que temps de sortir de ce qui est devenu une impasse et cela d’autant plus que les faits sont là.
* Tout d’abord, les difficultés économiques et budgétaires des personnes publiques et donc des collectivités locales, obligent celles-ci à être très sélectives et à rationaliser les critères de la dépense publique. Cet
élément pourrait sembler simplement conjoncturel mais ce serait là une erreur d’analyse. L’ampleur des réformes à entreprendre, les mutations culturelles et politiques majeures dont, à la fois, elles sont la traduction et la conséquence, le caractère durable du phénomène, tout concourt à devoir s’atteler à la résolution de ques- tions qui touchent à la structure même de l’action publique comme à son devenir.
* Ensuite, les collectivités locales doivent désormais cesser d’être essentiellement et le plus souvent
« administrées » ; elles doivent aussi, et surtout, être « managées » et pilotées pour être en capacité de mettre en œuvre de grandes politiques publiques au service de l’intérêt général.
A cet égard, les objectifs définis par les élus investis du mandat que leur confie le suffrage universel, doivent respecter (compte tenu des conjonctures imprévisibles…) les engagements principaux pris devant les
électeurs, et s’efforcer de les atteindre avec la plus grande efficience. Il en va d’autant plus ainsi que le degré et la qualité de l’information dont dispose aujourd’hui le public (internet, réseaux sociaux, etc.) sont bien plus grands qu’auparavant. D’où, de sa part, des attentes plus exigeantes et plus « pointues » qui obligent
à trouver des remèdes à une situation qui est sans doute parvenue à un point de non-retour. Il faut donc, à la fois :
• se donner les moyens d’une bonne gouvernance locale,
• trouver des instruments de mesure permettant de s’assurer que les décisions prises étaient réellement les bonnes,
• adopter une attitude systématique d’évaluation ex-post dans le souci de connaître pourquoi les solutions retenues ont, ou non, correctement produit les effets qui en étaient attendus et dans quelle proportion.
Les plus hautes autorités de l’Etat ont elles aussi appelé de leurs vœux un nouvel acte de la décentralisation dans le sens de l’instauration d’une pratique pleinement démocratique du pouvoir aux niveaux de toutes les collectivités et organisations territoriales. Si l’on veut dépasser le simple stade rhétorique et viser réellement l’efficacité, il convient non seulement de s’en donner les moyens mais encore de faire en sorte que ceux-ci fonctionnent correctement et que leur non respect soit sanctionné.
C’est dire combien il est devenu impossible de reculer encore le moment des échéances et des décisions à prendre.
C’est dire combien il y a urgence !
Face à ce constat, comment engager un processus pour une Nouvelle Démocratie Locale ?
III. LES REMEDES: LA RECHERCHE D’UNE NOUVELLE DEMOCRATIE
L’application de la thérapeutique qu’appelle à l’évidence l’état des lieux qui vient d’être dressé, repose sur un préalable absolu : tous ceux qui veulent être acteurs dans la vie politique locale doivent accepter et incarner une véritable déontologie de l’action publique (A). Sur cette base, les remèdes à appliquer reposent, d’une part, sur un certain nombre de principes d’action (B) d’autre part, sur un certain nombre d’objectifs concrets (C).
A) Pour une déontologie de l’action publique locale
Au vrai, ces principes valent pour toute action publique menée au nom et pour le compte de l’intérêt général, qu’elle se déroule au plan national ou dans un cadre territorialement plus restreint. Cependant, le présent document s’attachant aux conditions d’un renouveau démocratique au niveau local, c’est dans cette optique que ces principes sont déclinés ci-après.
Pour les fondateurs d’une Nouvelle Démocratie Locale, il est indispensable que tous ceux qui veulent être acteurs dans la vie politique locale aient l’obligation de prendre et de respecter effectivement les dix enga- gements suivants :
• promouvoir et défendre les valeurs et les principes fondamentaux de la démocratie,
• refuser tout extrémisme négateur de la personne humaine et de son éminente dignité,
• privilégier l’intérêt général et le souci du bien commun en toute matière,
• exiger la transparence dans toutes les décisions des collectivités locales,
• défendre les options porteuses d’avenir et refuser les compromis qui dénaturent les projets,
• soutenir les acteurs porteurs d’initiatives pour améliorer le vivre-ensemble dans les collectivités locales et œuvrant sans clivages partisans,
• favoriser les initiatives visant à une nouvelle gouvernance des collectivités, fondée sur l’équilibre des pouvoirs entre l’administration, l’assemblée élue et l’exécutif,
• s’engager à rendre compte périodiquement des conditions d’exercice des mandats ainsi que du bien- fondé des décisions prises,
• œuvrer à la limitation du cumul des mandats électifs et des fonctions exécutives dans les collectivités et dans les organismes proches des collectivités et cela à quelque titre que ce soit, au besoin même, le cas échéant, en allant au-delà des règles restrictives fixées par le législateur,
• tendre à ce que les agents employés d’une collectivité locale ne puissent être candidats à une fonction élective dans toute autre collectivité de plus de 3500 habitants sur un même territoire régional.
B) Principes d’action
Il apparaît indispensable aux yeux des fondateurs d’une Nouvelle Démocratie Locale que :
• dans leur action quotidienne, les élus et agents locaux ne laissent pas les intérêts particuliers l’emporter sur l’intérêt général, ce qui serait un grave manquement aux missions attachées à leurs charges ;
• les communautés de tous ordres ne prennent pas le dessus sur les principes républicains, ce qui transformerait l’unité nationale ou locale en une mosaïque de privilèges et de féodalités ;
• le « droit à la différence » n’aboutisse pas à la reconnaissance d’une « différence des droits », ce qui rétablirait un système de castes et de différenciations incompatibles avec la conception française de l’Etat démocratique;
• le souhait, légitime, d’être réélu, ne devienne pas l’unique préoccupation de ceux qui exercent un mandat, ce qui serait préjudiciable à la prise de décisions courageuses, voire impopulaires, mais indispensables au bien du plus grand nombre ;
• le clientélisme ne soit pas le fondement réel de la solidarité, ce qui constituerait une subversion des principes fondateurs de notre système social ;
• les débats prévus par la loi pour les assemblées et les conseils, ne soient pas purement superficiels et trop « organisés », ce qui empêcherait de vrais échanges en vue de l’exercice de vrais choix ;
• la majorité et la minorité puissent, chacune à sa place, exercer pleinement leurs responsabilités dans le souci unique du bien commun, ce qui est conforme à la qualité qui est la leur parce qu’issues d’un unique et même suffrage universel ;
• l’information et surtout la concertation avec les organisations et associations représentatives, (C.I.Q.- Collectifs-Usagers-etc.) ne se résument pas à un exercice formel, et superficiel, privant ainsi les citoyens de leur capacité à se déterminer sur des projets qui les concernent directement dans leur vie quotidienne et qu’ils financent en qualité de contribuables.
C) Objectifs concrets
Les fondateurs d’une Nouvelle Démocratie Locale considèrent que, sur la base des principes d’action qui viennent d’être indiqués, il importe que tous les acteurs de la vie publique locale se fixent les objectifs concrets suivants qui ne constituent point un programme politique, mais les moyens objectifs indispensables pour mettre en œuvre une action publique juste et équitable dans les collectivités territoriales.
Tout d’abord, l’argent public doit être bien géré et dans la période actuelle « bien dépensé », c’est-à-dire, à la fois, dans le respect des règles comptables et budgétaires fixées par les textes et dans un souci de bonne gestion en hiérarchisant honnêtement les priorités et en les finançant à due concurrence de leur place dans les objectifs de la collectivité ;
A cet égard et à titre d’exemple, « la distribution » de l’argent public aux divers relais, groupements, et as- sociations, ne doit pas l’être sans discernement, sans véritables critères et sans contrôles pertinents, sur le bien-fondé des aides et sur leur utilisation ; elle suppose toujours un contrôle a posteriori de la consommation correcte des crédits publics ainsi alloués.
En particulier, le désendettement, qui ne doit pas être seulement l’objectif de l’Etat, doit devenir une préoccupation prioritaire des collectivités territoriales ; cela suppose la correcte information des citoyens sur l’état réel de l’endettement de ces collectivités ainsi que la présentation d’un plan et d’un échéancier réalistes de désendettement.
Ensuite, les budgets votés par les assemblées locales doivent maîtriser ou diminuer, avec discernement, les dépenses de fonctionnement (en particulier, mais pas seulement, en éliminant celles qui sont inutiles ou excessives), pour pouvoir mieux encourager et soutenir l’investissement pour des projets utiles, nécessaires et répondant à l’intérêt général à moyen et à long termes. A cet égard, des critères simples et pérennes doivent permettre une présentation et une hiérarchisation des besoins sociaux repérés en vue de leur satisfaction dans des conditions, selon des modalités et dans le cadre d’un calendrier les plus adéquats à l’intérêt général poursuivi.
Pareillement, l’action quotidienne, les projets durables et les orientations essentielles des collectivités territoriales doivent toujours prendre en compte et favoriser le développement du tissu économique que constituent les activités porteuses d’emplois, les acteurs de l’économie réelle, les facteurs de gains de productivité. Les collectivités locales sont les partenaires de ceux qui font la richesse des territoires, les entreprises, de toutes tailles, et le monde du travail.
Egalement, la réforme territoriale doit être enfin et complètement mise en œuvre et cela quelle que soit la teneur du texte qui sera finalement adopté car une telle réforme est et demeurera indispensable. Dans le cas, par exemple, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la création d’une véritable Métropole à Marseille est essentielle pour l’avenir de l’ensemble de la région. Un effort de rationalisation et de simplification doit accompagner le souci de services publics exemplaires et aux coûts modérés.
Encore, les questions liées au cumul des mandats dans l’espace et dans le temps, à leur renouvellement ou à leur durée doivent être réglées rapidement à l’image de ce qui se fait, depuis longtemps, dans les démocraties modernes d’Europe. Sans attendre les évolutions législatives nécessaires, les membres de la Nouvelle Démocratie Locale s’engagent à œuvrer en ce sens dès les prochaines échéances, notamment en demandant aux candidats de se déterminer par rapport à ces exigences et d’agir pour faciliter cette évolution indispensable.
Enfin, toute action publique, en premier lieu, doit être soumise à un processus de décision pratiquement transparent et intellectuellement honnête ; en second lieu, elle doit faire l’objet d’une évaluation a posteriori sans complaisance pour le plus grand profit de la chose publique.
Ainsi seront conjuguées pédagogie de l’effort et vérité du résultat non point pour trouver des « coupables » ou désigner des personnes à la vindicte publique mais, simplement, pour que les conditions de la vie publique locale gagnent en sérénité, en efficacité et contribuent pleinement à donner un contenu clair, lisible et solide au beau mot de « Démocratie ».
Ainsi nous ferons vivre et prospérer une Nouvelle Démocratie Locale.
Marseille – Mars 2012